L’IVRESSE D’UNE PROFONDE HEURE
SPECTACLE DE CHANSONS POÉTIQUES JAZZ (1H15)
ECRIT, COMPOSÉ ET INTERPRÉTÉ PAR MAUREEN ESIVERT
Maureen et ses musiciens célèbrent l’ivresse à travers compositions originales, et compositions musicales sur des textes emprunts au répertoire poétique de Charles Baudelaire, Birago Diop et Norge. Un voyage sillonné de jazz, d’harmonies oniriques, de magie et de petites phrases faisant écho à nos voix intérieures. Comme les lamantins qui s’en retournent à la source, Maureen renoue avec une tradition de poésie chantée et incarnée.
Musiques extraites du spectacle sur https://soundcloud.com/maureenesivert
https://soundcloud.com/maureenesivert/enivrez-vous
https://soundcloud.com/maureenesivert/wiesbaden
https://soundcloud.com/maureenesivert/ode-a-la-lune
Mathieu Meyer: piano
Leila Soldevila: contrebasse
Emmanuel Pollet: batterie
UNE PROFONDE INSPIRATION
Guillaume Néry, source d’inspiration de L’Ivresse d’une profonde heure
Je ne sais pour quelle raison, à l’instant précis, je choisis de me perdre dans les profondeurs avec Guillaume Néry, champion du monde d’apnée. Besoin de silence d’observer quelqu’un sur le fil du souffle et de la concentration, pour se surpasser, témoigner de la beauté d’une partie de la planète.
Cet homme s’offre là un merveilleux voyage où il se confronte à ses doutes, ses peurs et ses envies. Il s’octroie un majestueux instant d’ivresse, passe par l’état de narcose, puis reprends souffle et vie à la surface du «ventre de la mer». Ce voyage insolite me galvanise. J’y perçois une allégorie de la création.
De fil en aiguille, je me souviens de ce poème incantatoire de Charles Baudelaire, Enivrez vous: «… pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans trêve de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. » Je le lis, en saisis un sens à sa racine: la transfiguration du réel, pour en saisir la beauté et échapper au «fardeau du temps». Dès lors, cette ivresse empreinte de lucidité, consciente de ses démons, appelle au rêve et à l’ illusion, au plaisir et à la joyeuse nécessité de vivre le rêve, tel le poète. Un bel équilibre qui suffirait à donner l’envie de vivre et de tendre vers la beauté, malgré certains déséquilibres constitutifs du monde et de l’être. C’est précisément là que je propose au spectateur une consolation à travers un rêve(à vivre!), une réconciliation avec soi-même, le monde et la nature. Cette nature qui meurt chaque hiver, renaît chaque printemps, et réconcilie le monde en nous portant ses fruits.
Je souligne ici une belle harmonie universelle où le pouvoir artistique de la nature se manifeste sous les frissons de l’ivresse. Il délivre l’individu par un sentiment mystique d’unité. Il est intéressant à ce sujet de se référer au point de vue de Nietzsche qui considère que les étapes de notre civilisation et de notre art se caractérisant par des ères de destruction et de renaissance (ères titanesque, dionysiaque et apollinienne) ont engendré la tragédie grecque.
Selon lui, l’artiste révèle son unité avec le principe du monde (influence dionysiaque) dans une image de rêve qui en est le symbole (influence apollinienne).
Suite à cette plongée sous-marine et ces réminiscences baudelairiennes et nietzchéennes, je m’interroge : ne sommes-nous pas en carence d’ivresse? Ne sommes-nous pas en train de nous laisser aspirer par une colère, une sensation d’être privé de l’essentiel, une perte de confiance et de croyance en soi, aux forces de l’univers et de la nature, jusqu’à sacrifier la vie? Pourquoi des innocents deviennent-ils esclaves et bourreaux ? Leurs petites voix d’enfants et aspirations profondes ont-elles été tues par des lois et certitudes selon certains immuables? Sommes-nous rongés par une « force démoniaque » avec laquelle nous rendons le dialogue impossible? Préférons-nous enfouir ou lyncher cette force dans l’incertitude qu’elle ne brisera pas un jour nos vies?
La conscience de cette part obscure individuelle et collective peut nous donner la lucidité nécessaire pour accéder à l’ivresse, lâcher l’égo et communier avec les forces de la nature; tout en faisant partie du divin. Cette ivresse empreinte de lucidité et de bienveillance, porte l’acte poétique et donne à la création et à la vie, sens et magnificence. Cet acte poétique pourrait vaincre une certaine logique mortifère de la civilisation dans laquelle nous vivons.
Ainsi la poésie sauve Orphée de la mélancolie lorsqu’il perd Eurydice pour la seconde fois.
J’ai ainsi réalisé que l’art et la création doivent être véhiculés par un équilibre entre le rêve et la lucidité, pour mieux incarner une réalité qui tendrait vers la beauté, ce à quoi j’aspire. Je veux ainsi donner à l’ivresse le statut de force créatrice; une ouverture des sens et de l’esprit qui nous permet de percevoir et d’accueillir cette force dans tous les domaines de la vie. Cette ivresse non pervertie par tant de besoins exogènes, et reliée à notre enfant intérieur (pour peu qu’on l’écoute), cet égo constructif qui a la capacité à se laisser traverser par ses émotions et celles du monde, avec le détachement nécessaire pour devenir cet adulte que nous sommes, ou voudrions être: non étranger à sa vie.
C’est cet « enfant intérieur », ce « cré-acteur » ivre et libre de vivre et de créer, que je veux porter à travers L’ivresse d’une profonde heure, nom du spectacle et de sa chanson éponyme.
Pour donner cette pleine dimension onirique et poétique, le plasticien Patrick Deletrez crée une installation ombre et lumière et en explore les possibilités.
Des machines en fer circulaires avec des formes taillées à l’intérieur, tournent dans les deux sens à l’aide de moteurs à essuie-glace. Des leds sont disposés derrière ces machines avec un rideau devant elles, ce qui permet le jeu entre l’ombre et la lumière. Des ventilateurs sont aussi placés derrière le rideau pour faire bouger celui-ci, jouant ainsi avec les formes taillées dans les cercles en fer et projetées sur ce rideau.
Cette installation représente notre monde intérieur, notre imagination.
L’ombre appelle la lumière tout comme la lucidité appelle le rêve et l’illusion; l’ivresse, la clarté et l’équilibre; les démons, la consolation et la réconciliation. L’ expérience du rêve est alors possible. Cette installation est ainsi «acte poétique» en projetant la beauté d’un monde intérieur sur ce qui nous entoure, en l’occurrence le public.
Des effets magiques ponctuels s’ajouteront à la poésie du spectacle. Ils viendront surprendre la dimension onirique de celui-ci, tout en rendant leur présence évidente. Il s’agit par exemple d’allumer une flamme sans briquet, faire léviter un objet, apparition d’une poussière argentée…
La plupart des textes sont des poèmes qui seront pour certains chantés, et pour d’autres dits sous forme de lettre ouverte, en s’adressant souvent à quelqu’un ou au public directement.
Les chansons seront parfois suivies ou précédées d’un court texte, illustré en musique ou non, pour donner sens et forme à l’intégralité du spectacle et au voyage initiatique que je projette.
Les thèmes de l’amour, l’ivresse, la création, des forces de la nature, de l’extraordinaire, l’invisible, la consolation, la dualité entre nos chemins de vie et nos désirs profonds, la colère… seront abordés.
Les textes ont cette volonté de créer une petite musique douce et intérieure en interpellant notre coeur et nos aspirations.
Quant à la musique, elle est le support de l’émotion des textes. Le piano, la contrebasse, la batterie, le cajon et la kalimba ouvrent le champ des possibles en termes de jeu et de fonction.
La contrebasse est souvent enveloppante et tient le fond de l’histoire, de part ses différentes sonorités (pizz, archet, glissendi). Elle converse avec la batterie qui ponctue davantage le texte et plante le décor des différents styles musicaux au sein du spectacle. Le piano, lui, converse davantage avec la voix. Il aime aussi raconter des histoires.
Ce trio instrumental est aussi la base d’un quartet de jazz où les sonorités tantôt brutes, tantôt sophistiquées peuvent se libérer. Quant à la kalimba, je l’utilise ponctuellement pour rappeler la tradition du conte des griots africains. Un jazz métissé donne le ton musical global du spectacle (swing, afro jazz, jazz moderne, pop jazz…) en côtoyant poésie et chanson.
Ainsi, le jazz et le classique impressionniste sont la toile de fond des sonorités.
Mes influences : Véronique Sanson, Michel Jonasz, Arthur H, Patrick Watson, Claude Debussy, Sara Vaughan et Alice Coltrane.
Le spectacle s’adresse à un public âgé d’au moins 8 ans.
Son éclectisme musical peut tisser des liens entre différents publics.
Sa dimension poétique requiert une ambiance et une configuration plutôt intimiste, spirituelle ou atypique.
L’ombre mystifie la lumière: nouvelle installation Patrick Deletrez en cours de création pour le spectacle: